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prise de vue sous-marine
faut il choisir un splashbag
ou un caisson ?
Comprendre les spécificités liées à chaque système pour trouver l’outil le plus adapté aux images qu’on doit réaliser.
Le splashbag offre l’avantage indéniable de la facilité de mise en oeuvre, car c’est un outil polyvalent qui s’adapte rapidement à une grande variété de caméras et optiques.
Une caméra classiquement équipée se prépare rapidement pour être embarquée dans un splashbag.
Cet outil est principalement adapté à la prise de vue à proximité de la surface, soit au dessus pour des plans à l’épaule ou posé dans l’eau, soit en dessous en légère mais complète immersion.
Il est adapté pour des scènes à faible profondeur (plage, piscine, …) où l’opérateur a pied et peut s’appuyer sur le fond.
Le splashbag atteint cependant rapidement certaines limites quand il s’agit de tourner véritablement sous l’eau.
De part sa forme souple, il est difficile à équilibrer, et son poids apparent (le poids résultant après l’action de la poussée d’archimède) va dépendre de son volume et de la profondeur d’utilisation. Plus on le coule, plus il sera lourd, et plus il coulera. C’est donc à proscrire dans un environnement où il n’y a pas possibilité de s’appuyer sur le fond.
Le faible hydrodynamisme du splashbag limite aussi son ergonomie et la capacité à le manoeuvrer sereinement sous l’eau, et présente donc des inconvénients pour les plans en mouvements.
De plus, la vitre avant, aussi appelée « hublot plan » va générer des déformations et aberrations optiques lors de l’immersion, du fait de la réfraction des rayons lumineux occasionnée par le changement de milieu air / eau.
La théorie voudrait que, dès lors que le plan est en véritable immersion, même prêt de la surface, il soit préférable d’utiliser un caisson sous-marin.
Le caisson corrige les deux défauts mentionnés ci-dessus, par l’utilisation du dôme sphérique au lieu du hublot plan, améliorant grandement la qualité optique, et par sa nature rigide qu’on pourra équilibrer quelle que soit la profondeur. Il sera également beaucoup plus hydrodynamique.
différences des systèmes optiques :
quelques éléments physiques
Le hublot plan (Flat Port)
grossissement
L’image parait « grossie » d’environ 1.33x. c’est l’effet classique que tout le monde connait lorsqu’on met un masque sous l’eau ou qu’on regarde à travers un aquarium. Les angles de champs sont modifiés, et l’expression des distances focales également. On dira par exemple qu’un 25mm devient un 32mm, environ.
mise au point
Le grossissement modifie aussi d’autres paramètres optiques, et spécialement la mise au point, que l’on doit adapter en affichant une distance plus proche que la distance réelle de l’objet (environ 3/4 de la distance réelle).
distorsion
La réfraction de la lumière dépend des indices de chaque milieu (ceux-ci ont des valeurs fixes) et de l’angle d’incidence lors du changement de milieu. Ces angles d’incidence par rapport à la vitre sont différents selon la zone de l’image concernée, selon que l’on est au centre ou au bord de l’image.
Lorsqu’on utilise un hublot plan, le changement de milieu entre l’air et l’eau provoque une réfraction des rayons lumineux, ce qui a un impact direct sur la captation de l’image par la caméra :
Par exemple, le rayon central de l’axe optique se présentant perpendiculairement à la vitre (angle de 90°), et donc à l’objectif qui est derrière, ne sera pas dévié. À l’inverse, les rayons les plus éloignés du centre de l’image seront ceux qui seront les plus impactés.
Il en résulte une déformation de l’image qui n’est pas constante, et directement dépendante de l’angle de champ de l’objectif.
Cela se traduit par une distorsion de type « coussinet » qui est plus marquée sur les bords de l’image.
aberration sphérique
Le même phénomène de réfraction inégale selon la zone de l’image a pour autre conséquence la formation d’aberrations dites sphériques (aberration par ailleurs également connues « au sec » sur certains objectifs de part la conception de leur lentilles). Les rayons lumineux formant l’image ne convergent pas tous exactement au même endroit, ceux des zones périphériques les plus réfractés formant une image à une distance plus courte que les rayons proches de l’axe optique de l’objectif. Il y a en fait plusieurs points de convergence, et cela se traduit par une perte sensible de de résolution. Cette aberration est directement relative à un angle de champs important (courte focale) et une grande ouverture.
Dans les faits, ces défauts ne sont pas toujours très perceptibles sur une image cinématographique car elle est généralement composée de beaucoup d’éléments. Mais comme ce sont les angles de champs les plus larges qui sont les plus problématiques, on évitera d’utiliser des trop courtes focales.
Au delà d’un certain angle, on atteint même l’angle limite, au delà duquel la lumière n’est plus réfractée mais totalement réfléchie. Cet angle limite de réfraction entre les milieux air et eau est d’environ 48° par rapport à l’axe optique, soit 96° d’angle de champs maximum.
Mais on fait en sorte de ne jamais s’en approcher car bon nombre de problèmes apparaitront avant.
Globalement, pour éviter les surprises en splashbag, il est recommandé d’utiliser des focales moyennes et de ne pas dépasser 60° d’angle de champs .
De la même façon, il est conseillé de ne pas travailler à pleine ouverture. Car en fermant un peu le diaphragme, on réduit la surface d’entrée des rayons lumineux, et on élimine ceux situés les plus au bord qui sont les plus problématiques.
aberrations chromatiques
En se plongeant un peu plus dans les détails, on peut aussi se pencher sur les composantes de la lumière et leur différentes longueurs d’ondes. Comme chaque longueur d’onde réagit différemment à la réfraction, les rayons réfractés ne le sont pas exactement identiquement en fonction de leur couleur, et cela provoque des aberrations chromatiques plus ou moins visibles.
vignettage
Lorsqu’un rayon subit un changement de milieu, la plus grande quantité de lumière est réfractée, mais il existe aussi une petite quantité qui est réfléchie, et qui ne sera donc pas captée par la caméra. La encore, la proportion de lumière traversante et réfléchie dépend de l’angle d’incidence du rayon, et donc ce phénomène ne sera pas constant sur la totalité de l’image. il en résulte un phénomène de « vignettage » (baisse de luminosité sur les bords), même s’il n’est pas toujours évidement de le déceler. Pour les mêmes raisons que précédemment, il est préférable d’éviter les focales trop courtes.
en résumé …
Avec un hublot plan, il est déconseillé de tourner complètement sous l’eau, et si ça arrive, il faut être particulièrement vigilant avec les courtes focales et ne pas travailler systématiquement à pleine ouverture.
notes
Le phénomène de réfraction se caractérise par un angle d’incidence et un angle de réfraction. Ceux-ci sont conditionnés, entre autre, par les indices de chaque milieu que la lumière traverse (1 dans le cas de l’air, 1,33 dans le cas de l’eau).
Dans ces exemples, nous négligeons volontairement l’épaisseur de la vitre, qui, même si elle est limitée, constitue malgré tout un troisième milieu, avec un nouvel indice de réfraction, qu’il conviendrait de prendre en compte dans un raisonnement technique plus approfondi.
Pour une qualité optimale, nous choisissons des hublots plans ou dômes construits en verre, mais ils existent aussi parfois en polycarbonate, surtout sur des caissons photos entrée de gamme. Ceux-cis sont de moins bonne qualité optique et plus sensible aux rayures.
Le dome sphérique (Dome Port)
Les principaux défauts optiques observés avec l’utilisation d’un hublot plan peuvent être corrigés avec l’utilisation d’un dôme, à condition qu’il soit correctement positionné.
Le principe est simple : il s’agit de s’affranchir de la réfraction provoquée par le changement de milieu en faisant en sorte que tous les rayons lumineux qui composent l’image arrivent à l’optique de façon perpendiculaire (le rayon perpendiculaire est le seul qui n’est pas réfracté, et quasiment pas réfléchi).
Pour cela, il faut donc un dôme parfait. Les rayons perpendiculaires convergent tous vers le centre du rayon de courbure du dôme. c’est à cet endroit qu’il faut placer la caméra. Ou plus précisément le point nodal de l’objectif utilisé.
L’utilisation d’un dôme nécessite donc qu’il soit parfaitement positionné par rapport à l’optique et à la caméra, et c’est pourquoi ce système est disponible sur des caissons spécialement dédiés, où toutes les positions sont calculées précisément.
Dans la pratique, on prépare donc un caisson avec un couple caméra & optique bien défini, et lorsqu’on change d’optique, on ajuste la position du dôme avec des bagues allonge bien précises.
Avec un dôme, comme il n’y a plus de rayons réfractés, tous les problèmes liés à ce phénomène disparaissent :
Il n’y a plus de grossissement, on conserve l’angle de champ original de l’objectif, et le rapport de focales reste cohérent.
Il n’y a plus de distorsion, de vignettage, d’aberration sphérique ou chromatiques, et le rendu optique est de ce fait de bien meilleure qualité.
mise au point
Cependant, un autre phénomène apparait : le dôme agit comme un élément supplémentaire dans le système optique, et se comporte comme une lentille divergente. Cela bouleverse la façon dont l’objectif réagit à la mise au point. L’infini optique est ramené à une distance de 2x le diamètre du dôme, soit une distance très proche de la caméra. Celle-ci dépend de la dimension du dôme utilisé, par exemple pour une dome 9’’, de l’ordre de 1’6 à partir de son centre (position du point nodal de l’optique).
Cela signifie que pour faire le point à l’infini, il faudra en réalité afficher sur l’objectif :
2x diamètre du dôme + distance point nodal / capteur
Avec l’exemple d’un zoom EZ-2 avec un dôme de 9’', c’est environ 1’6’’ + 8’’ = 2’2’’
Sous l’eau, il est préférable de se rapprocher du sujet quitte à utiliser des courtes focales (avec le dôme, on peut) afin de limiter l’impact de la turbidité du milieu aquatique. On fait donc rarement le point à l’infini, mais plutôt dans des distances rapprochées.
La course de point de l’objectif est alors ramenée en deçà de la distance 2x diamètre du dôme.
Les gravures de distances propres à l’objectif n’ont plus de signification, et il faut, si on le souhaite, retrouver ces distances de façon empirique.
Dans certains cas, si le minimum de point que propose l’objectif n’est pas assez proche, surtout en anamorphique ou avec des zooms, il faudra rajouter une dioptrie supplémentaire dans le système optique, le plus souvent +1/2 ou +1, pour augmenter la convergence, et ainsi rapprocher le minimum de point.
courbure de champs
L’image virtuelle créée par le nouveau système optique n’est pas plane, mais suit la même courbure que celle du dôme, et la caméra capte donc, sur un capteur plan, une image courbée.
Cela engendre une perte de netteté dans les zones périphériques de l’image. Celle-ci dépend de la surface et de la taille du capteur, de la taille et de la courbure du dôme, ainsi que la profondeur de champs.
Pour limiter ce phénomène désagréable, il est préférable d’utiliser un dôme de grande taille avec un capteur de grande taille, et de ne pas travailler à pleine ouverture.
images mi-air / mi-eau
réalisées avec un dome et un hublot plan
avec le hublot plan
L’angle de champs est plus faible sous la surface, l’image sous l’eau ressort grossie.
Concernant la mise au point …
Au dessus de l’eau, il s’agit de la distance réelle caméra / sujet,
Sous l’eau, il faut utiliser 0,75x la distance caméra / sujet.
Il est plus facile de maitriser la netteté de l’image avec la profondeur de champs, car l’écart de mise au point entre l’air et l’eau est moins important que dans le cas du dôme.
Dans notre exemple, le point est au dessus, le diaphragme plutôt ouvert.
La partie sous-marine est grossie.
avec le dome sphérique
L’angle de champs reste le même dans l’air et dans l’eau,
Concernant la mise au point …
Au dessus de l’eau, il s’agit de la distance réelle caméra / sujet,
Sous l’eau, il faut utiliser la distance caméra / image virtuelle.
Ce n’est donc a priori pas facile d’avoir le point en même temps au dessus et en dessous, tant l'écart est important.
Cependant, le rendu sera différent en fonction de la distance au sujet et de la profondeur de champs.
Dans notre exemple, le point est au dessus, le diaphragme plutôt ouvert.
L’angle de champs est le même à l’air et dans l’eau.
Plus le diamètre du dôme est important, plus l’image virtuelle sera éloignée de la caméra, et plus on arrivera à avoir une image nette simultanément dans l’air et dans l’eau.
Avec une courte focale et un peu de profondeur de champs, on peut obtenir une image mi-air / mi-eau nette, avec le même angle de champs dans l’air et dans l’eau, comme sur le photogramme ci-dessous.
synthèse
Si le splashbag est automatiquement associé à un hublot plan, de part sa conception, et de ce fait destiné à des prises de vues de surface, le caisson sous-marin n’est quant a lui pas forcément utilisé avec un dôme sphérique.
Dans le caisson, avec une configuration caméra et optique déterminée, on pourra choisir d’utiliser un dôme ou un hublot plan selon les images à réaliser (plan entièrement sous-l’eau, passage de la surface, action du personnage, etc…).
hublot plan (splashbag ou caisson)
les plus
+ Facilité de mise en oeuvre (dans le cas d’un splashbag)
+ L’eau déperle facilement
+ Mise au point en mi-air mi-eau plus aisée qu’avec un dome
les moins
- En courte focale, qualité d’image dégradée sous l’eau.
- Grossissement peu esthétique
dome sphérique (caisson)
les plus
+ Qualité optique optimale sous l’eau
+ Pas de grossissement, la notion de focale est inchangée
+ Meilleure stabilité, plus hydrodynamique.
les moins
- À la surface, flare ou gouttes d’eau plus compliquées à gérer.
- Mise au point plus complexe
- Entrée et sortie d’eau plus compliquées, à cause notamment de la mise au point.
conseils pratiques
Pour un plan où la surface (extérieur) est majoritaire
> le hublot plan
Pour un plan ou le sous-marin est majoritaire
> le dôme
Pour un plan dit mi-air / mi-eau
> dôme en priorité,
> mais plutôt hublot plan s’il y a un mouvement compliqué pour le point.
illustrations : Subspace & Sous-Exposition